Interview de Franck Dureau, aka ´Da Cockroach’ par Dj Ness Afro et Wattfutchureez.

Le fameux livre « We Can’t be Stopped / car rien n’arrête un passionné » va enfin sortir le 1er décembre. Pour l’occasion Ness Radio est fier de partager cette interview intimiste et passionnante.
Une détermination de fer, une rencontre incroyable avec le passionné et talentueux Franck Dureau DA Cockroach à donné naissance à ce livre de 346 pages et 150 récits que l’équipe de G-kill des 2 Bal a surnommé ´Le véritable Artefact du Hip Hop’!
Dj Ness Afro a eu le bonheur de partager ses connaissances pour recueillir une trentaine de récits pour ce livre.
Merci à Real Muzul de Get Busy pour cette Connexion!

Ness : Muzul de Get Busy préface « We Can’t be Stopped », comment est née cette complicité?

– La première fois que je rencontre Muzul en chauve et en os, c’est lors de la promotion de mon premier livre « 6 Million Ways To Dig ». Pour l’occasion j’ai monté une équipe pour porter et livrer les ouvrages sur Paris. On fait la tournée des grands ducs, à l’ancienne, les valises pleines, on fait des stops chez Olivier Cachin, à la Scred Boutique, on passe faire un coucou à Kohndo, on livre Dorian chez Gibert Joseph Saint Michel, et on finit par une petite pause déjeuner avec Muzul et Sear de Get Busy. On accroche direct, ils sont tous les deux à l’écoute, on se marre bien, on échange nos livres respectifs puisque à cette période Sear sortait son Anthologie Get Busy. C’est à partir de ce moment que je commence à communiquer régulièrement avec Muzul, on est tous les deux à fond, musique, cinéma, dernières sorties rap, bouffe, voyages, sans oublier Akhenaton, notre passion commune ! Début 2022 je finis par lui proposer de faire mon édito pour mon second livre « We can’t Be Stopped, car rien n’arrête un passionné », encore moins un Muzul ! Dernièrement je l’ai invité à Bordeaux pour faire la promotion de son dernier livre sur le P-Funk. Que des bons moments, un mec en or.

Ness : S’il y avait 2 récits à retenir dont tu es particulièrement fier ou qui t’ont profondément touché?

– Cette question est extrêmement difficile, il m’est impossible de te citer seulement deux récits qui m’ont touché. Ce qui est sûr est que celui de Rocca est très beau, à travers ses voyages, il relate son histoire d’amitié avec DJ Duke, à travers les années, pour finir par la conception musicale de leur album commun Cimarron. Sinon je pourrais t’en citer une multitude, mais pour faire bref il y a aussi le récit de Dee Nasty qui me plait beaucoup. Ce dernier est issu d’une interview que nous avons fait à Paris, avec mon ami Moment Uv Truth. C’est l’une de mes premières retranscriptions et pour être honnête j’en suis fier, je la trouve belle. De manière plus personnelle il y a les récits de mes proches qui me rendent très heureux comme celui de mon épouse, celui de mon ami Damien Wuther, ou celui de mon professeur de dessin Alain Barral qui a toujours cru en moi.

Ness: C’est ton second livre et tu n’es pas chez un éditeur, as tu eu des propositions ou c’est une volonté de rester indépendant? De tout faire tout seul de À à Z!

– Depuis le début de mes aventures artistiques j’ai toujours voulu rester indépendant, c’est mon école, c’est un choix, pas quelque chose que je subi. J’aime avoir cette liberté de pouvoir créer LE projet dont je rêve. Je ne supporterais pas qu’on me dise quelle couverture je dois choisir, quelle date de sortie je dois prévoir, quels artistes je dois contacter. Certes c’est un travail de tous les instants, de l’idée, à la création, de la fabrication à la logistique, de la communication à l’envoi des colis…. Malgré cela, jamais je ne souhaiterais travailler autrement. Puis je suis extrêmement bien entouré, mes amis, ma femme sont souvent présents pour me donner des coups de pouce, m’encourager, c’est rassurant. Grâce à eux je sais toujours où je vais.

Ness : Tu peux nous parler de ta vision du Beat Making en France et de cette grande soirée que tu as organisé à Bordeaux avec Azaïa et de nombreux autres Beat Makers?

– Le beatmaking, c’est mon premier amour, c’est grâce à lui que j’ai pu m’exprimer, exister dans le mouvement au sein du label Sonatine, puis Rap and Revenge par la suite. Je suis extrêmement admiratif du niveau des producteurs en France, quand tu as pratiqué, que tu as connu tes limites de créativité, tu sais de quoi tu parles. De ce fait je suis en admiration face au travail de nombreux beatmakers comme Azaia, Venom, Éric Blaze, Furio, Kheyzine, Kool M, Kyo Itachi, Ana Logiik, Al’tarba, Senbei, DJ Monark… J’en oublie tellement ! On n’a rien à envier à nos amis d’outre Atlantique.
Il y a plus de cinq ans, grâce à l’aide précieuse de mon ami Azaia, nous avons organisé une soirée ode au beatmakers, nommée Brain Tests! Un de mes meilleurs souvenirs Hip Hop, il y avait Kyo Itachi, Aayhasis, Cris Prolific, Venom, Dusty, Yann Kesk et bien sur Azaia. Soyons honnête cette soirée m’a fait perdre de l’argent, le public n’était pas prêt à voir un live de producteurs sans MC’s. J’ai tenté le coup et franchement, je ne regretterais jamais, c’était magnifique! Lorsque je regarde les photos de cette soirée, cela me procure beaucoup d’émotions, sans aller jusqu’à dire que l’idée était avant-gardiste, mais on a essayé, on est sorti des sentiers battus, et musicalement parlant on a vécu un grand moment, les planètes étaient alignées ce soir-là.

Ness : La lumière, l’humain et le partage est la devise du Beat Tape Crew ( E.Blaze, Sonia Bela et Dj NESS Afro), toi aussi tu te retrouves dans ces valeurs?

– Comme toi je pense j’ai toujours été guidé par l’affect, les sentiments, les émotions. Je ne travaille qu’avec des gens que j’aime vraiment, avec qui je partage des valeurs. L’humain pour moi est au centre des débats, que ce soit dans le monde du travail, dans la politique, dans la vie de tous les jours. Ça peut paraitre cliché, mais trop de personnes s’oublient, se noyant dans cet océan capitaliste et superficiel. Je suis extrêmement heureux d’avoir bien su m’entourer, comme dit l’autre, j’avance avec mes gars surs !!!!

Ness : Comment tu t’es retrouvé à faire des soirées caritatives aussi réussie pour Pone?

– Le 30 novembre j’organise la deuxième soirée de soutien à Pone de la Fonky Family contre la maladie de Charcot. Au-delà de l’admiration que je lui porte depuis toujours en tant qu’artiste, c’est l’humain qui m’inspire. C’est une leçon de vie pour nous tous. A ma minuscule échelle, je voulais soutenir Trakadom, son association qui permet aux malades de pouvoir rester chez eux, près de leurs proches pendant la maladie. Pour cette deuxième édition, Il y aura une multitude d’artistes incroyables, mais il y aura aussi Wahiba, la femme de Pone. On se doit de célébrer la vie, et le 30 novembre j’espère que le mouvement répondra présent.

Ness : Tu as également un label, Parle nous de ta prochaine sortie avec justement KoHndo que l’ont retrouve dans le nouveau livre?
Ta relation forte avec Dj Suspect à donner naissance à une excellente mix Tape qui est sortie en CD , tu peux nous en parler ?

– Aujourd’hui sur cette terre il y a autant de DJ’s que de gens tatoués, ça n’a plus aucun sens. C’est pour cela que j’ai voulu sortir ce projet avec DJ Suspect. Il reste l’un des derniers dinosaures à mériter ces deux lettres devant son blaze. Je suis bien placé pour parler de cela, moi qui ne mixe que sur Serato. Lorsque tu vois mixer Léo tu as l’impression que tout est facile, il passe d’un 45 tours à l’autre avec une aisance déconcertante. L’idée est venue de lui, il voulait rendre hommage au rap français nineties, quoi de plus simple pour lui lorsque tu possèdes autant de galettes rares. Nous avons travaillé la pochette avec l’ami Gustav’image, que l’on connaissait pour son travail avec le label Effiscienz. Tout s’est fait simplement, on était tous les trois connectés. Bravo à mes deux camarades pour ce CD qui nous replonge dans la belle époque du rap français, ou chaque semaine tu pouvais acheter un album de qualité, les yeux fermés.

Wattfutchureez : Qu’est ce qui t’as amené à faire ce livre? Quelle est la genèse?

– J’ai décidé de créer ce livre car je voulais qu’il reste une trace de notre passage sur cette terre, nous les passionnés de culture underground. Le temps passe si vite, les soldats tombent les uns après les autres, emmenant leurs souvenirs avec eux. J’en avais un peu marre de toujours voir les mass-médias ressasser les mêmes histoires people dont tout le monde se fout, j’avais envie de parler de choses concrètes, de passion, de vraie culture. Pour avoir fait un premier livre, et connaissant le travail que cela implique, mon idée première était de créer une sorte de bible de l’underground.

Wattfutchureez : On sait que l’underground, cela ne paie pas forcément, en tout cas pas financièrement, qu’est ce qui te pousses à l’explorer, qu’en retires tu?

– En effet l’underground paye rarement les factures, mais sa richesse est ailleurs. C’est cela que j’aimerais faire comprendre à certains lecteurs, leur faire découvrir notre monde fait de créativité, d’originalité, de valeurs, de respect. L’argent n’est important que lorsqu’il permet de créer le projet, le reste restera anecdotique.

Wattfutchureez : Comment as tu choisis les protagonistes de ce livre?

– Le choix des protagonistes s’est fait naturellement. Ne connaissant forcément pas tous les membres actifs du réseau français underground, j’ai demandé à mes amis passionnés proches, aux acteurs du mouvement underground que je croise depuis de nombreuses années, et cette fois j’ai pu bénéficier de l’aide précieuse de mon ami Ness Afro. Tombé amoureux de mon projet, il a partagé son incroyable réseau, ce qui m’a permis d’étoffer mon ouvrage.

Wattfutchureez : Es tu plus de ceux qui disent que c’était mieux avant ou es tu de ceux qui pensent qu’il y a encore des choses à découvrir? Tu as des exemples?

– Je fais partie des curieux qui s’intéressent en permanence aux sorties actuelles, qui décortiquent une multitude de projets, avant de juger, mais qui pour finir se sentent à l’aise dans leurs jardin Boom Bap, G-Funk, West Coast nineties.

Wattfutchureez : Le titre We can’t be stopped, avec la faucheuse sur la couverture, c’est quelque peu paradoxal car la mort met un terme à tout au final! je me demande si ce n’est pas une sorte de testament, ou témoignage pour conjurer le sort car avec les 50 du hip hop, on a perdu de nombreux acteurs du mouvement underground et on va en perdre de plus en plus, alors le support livre, c’est pour en garder une trace? Peux tu nous expliquer cette couverture?

– En effet tu as bien analysé la situation : J’aime trop la vie, je savoure chaque seconde, je ne veux pas que cela s’arrête. Cette couverture est très significative. En plus d’être un clin d’œil à la pochette Home invasion d’Ice t, elle représente un adulte dans sa chambre d’enfant, qui ne veut pas grandir, qui veut rester dans son univers artistique, loin des soucis du quotidien, tout en gardant à l’esprit qu’au-dessus de sa tête, l’ombre de la faucheuse rode. En effet ce livre est une sorte de testament. Un testament destiné aux générations futures, rassemblant des centaines de moments forts de vies autour des cultures underground, plus particulièrement du Hip Hop. Mais c’est aussi en quelque sorte ma pièce maitresse, ce livre, c’est ma petite pierre à l’édifice, c’est une manière d’expliquer au gens ce que nous étions, et pourquoi nous avions choisi ce chemin. Je n’aurais plus jamais l’occasion de créer un livre aussi complet, alors j’espère que les gens l’apprécieront à sa juste valeur.

Wattfutchureez : C’est quoi la prochaine aventure?

– Les prochaines aventures arrivent bientôt :
Le 30 novembre, Soirée de soutien à Pone à L’IBOAT BORDEAUX
Le 2 février 2024, je sors le EP de mon ami Doc X, un incroyable MC, un kickeur à l’ancienne
Le 1er Mars, sortie d’un livre de photos à l’occasion des 30 ans du groupe La Casa del Phonky.
To be continued, car rien n’arrête un passionné!

Pour suivre l’artiste : Franck Dureau aka ´Da Cockroach’
Pour ses oeuvres : Bandcamp

Par Dj Ness Afro & Wattfutchureez