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2024 © Ness Radio

Lou Tavano – For You


Nouvelle sensation du jazz vocal dont le nom bruisse sur la scène parisienne, Lou Tavano publie, à l’orée de la trentaine, son premier album, un opus qui ne passera pas moins inaperçu que la flamboyante chevelure rousse qui lui sert parfois d’effigie. « For You ». Ce titre, comme tous les titres, a plusieurs significations, malgré sa simplicité, malgré son apparente univocité. Il s’adresse à tous et à un en particulier. A tous, car le chant de cette jeune artiste, même s’il puise profondément son inspiration dans un espace intérieur, est d’abord dirigé vers les autres et la nécessité existentielle de se présenter à un public. A un, car il est le fruit d’une collaboration déjà longue, avec le pianiste Alexey Asantcheeff, qui est à ses côtés à la ville comme à la scène. Il est l’auteur de la plupart des mélodies au répertoire de cet album, pour lesquelles il s’efforce, avec une minutie passionnée, de tisser les arrangements qui servent d’écrin au timbre profond et grave de Lou Tavano.

Ils se sont rencontrés sur Satin Doll de Duke Ellington. Ce n’est pas la pantoufle de vair de Cendrillon, que cette poupée de satin, mais pas loin. Elle, fille de batteur de rock, passée par le piano classique, avait trouvé dans le chant un « espace pour être soi ». Lui, né de mère écossaise et de père russe blanc, pianiste en quête de jazz habité par la mélancolie slave, dès qu’il l’a entendue chanter n’a plus eu qu’une idée en tête, « que le monde entende cette voix ». Ils avaient la vingtaine et ne se sont plus quittés, faisant de la musique l’espace amoureux de leur collaboration artistique, choisissant ensemble le chemin d’un jazz mâtiné d’influences personnelles qui ont à voir avec la musique symphonique, le chant lyrique, la folk ou la musique balinaise.

Entourée d’une équipe de jeunes talents de la capitale avec qui elle a poli ce répertoire jusque dans ses infimes détails, insufflant la couleur et le souffle du jazz dans des chansons souvent écrites à quatre mains, Lou Tavano révèle un talent hors norme et un univers où les mots ont autant de poids que les notes.

« J’ai du mal à faire de la musique sans les mots » avoue celle qui attache une importance toute particulière à ce qu’elle chante, trouvant dans les paroles des échos à sa propre histoire, sans pour autant les réduire à leur éventuelle dimension autobiographique. Si les mots sont toujours seconds quand elle écrit une chanson — « c’est toujours la musique qui suscite l’histoire » — ils deviennent premiers lorsqu’il s’agit de l’interpréter. Chaque composition est sous-tendue par un récit, chaque morceau a son dédicataire, secret ou affiché.

On ne sera pas surpris d’apprendre qu’en matière d’influences, la jeune femme revendique des noms qui ne s’ancrent pas tous dans la géographie du jazz, territoire qui donne sa teinte générale à son art mais avec les codes duquel elle conserve une distance respectueuse, à l’image de sa version d’Afro-Blue transposée… à Bali. Aussi, pardelà Nina Simone et Billie Holiday, « modèles d’interprétation », elle convoque autour d’elle des personnalités aussi diverses que Joni Mitchell « pour son art du storytelling », Tracy Chapman pour « un flow bien particulier, une manière de poser le texte » ou Jacques Brel qui « dégage quelque chose de très juste ». « Pour moi, la
technique vocale n’existe pas, dit celle qui, pourtant, n’en manque pas. Si l’interprétation est juste, alors la voix suit.

C’est une histoire de sensation, d’adéquation entre ce que l’on ressent et ce que l’on exprime. » « For You » est comme un ciel de printemps où alternent percées lumineuses et cieux d’orages. Les éclats joyeux et insouciants cèdent rapidement la place à une poésie plus dramatique, à des élans plus mélancoliques. La musique est à l’image de ceux qui la font : elle peut éclater de rire puis verser une larme dans la même minute. C’est ce qui fait la force poignante de cet album, dans lequel l’anglais se mêle au français, au russe et même au balinais. Un album sans frontière, qui parle du monde et de soi, de l’autre et de nous. Lou Tavano a ce talent lorsqu’elle chante de nous les rendre sensibles et attachants.

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